après Aisha par philippe mairesse

Publié le par lcdc

Après AishaLorsque Jürgen m'a prévenu, je ne me suis pas méfié des images de lapidation filmées en cachette par son ami en Afghanistan cet automne. Mais le dernier rocher jeté sur le crâne de la jeune fille, alors pour le coup définitivement immobile, recroquevillée au sol, à moitié nue, ses vêtements arrachés un à un, m'est tombé sur la tête.
Ce sont des hommes qui ont fait ça. Ils l'ont fait contre elle, contre son genre, son sexe, sa sexualité. Des hommes qui ne supportent pas l'attraction que les corps des femmes exercent sur eux, veulent la voiler, l'interdire, la punir. Des hommes, et je suis un homme moi aussi.
Moi, lorsque dans Paris passe une paire de jambes révélées haut par une jupe courte bien moulée sur un cul arrondi, je les suis des yeux, des mains si je pouvais. Et au printemps, lorsque ce sont par centaines que les jambes, cuisses, seins, bras, dos et strings voltigent partout, j'ai des moments d'affolement, et de frustration : pourquoi toutes me montrent-elles tout sans rien donner, pourquoi me tenter à ce point et fuir au coin des rues ?


Je suis un homme, et je connais secrètement les colères contre l'attraction qu'opère le sexe de la femme. Bien sûr je suis civilisé, plutôt un tendre même, et je sais ignorer ma frustration, transformer ma colère en excitation, doucement énervée, la garder au chaud, l'attiser au fil des passantes, des affiches, des scènes de film, et revenir à celles qui veulent bien se laisser voir, toucher, prendre et emporter, je sais revenir vers celles-là avec toute la fougue, les caresses, les assauts, et les mots qui me les rendent, pâmées et offertes à des violences délicieusement commises et subies.
Je sais réfréner l'envie de toutes, et garder du désir pour l'une, je sais dépasser la haine du continent noir et je sais que la relation sexuelle à la pas-toute femme n'existe pas, en bon lacanien bien éduqué, et que les fantasmes ne se partagent que par force.
Mais je suis un homme, et je me demande : suis-je coupable des violences faites à toutes ces pas-toutes femmes au nom de la diabolique attirance qu'elles exercent depuis leur entrejambe humide ? Suis-je coupable d'être attiré, parce qu'alors ce ne sont pas des femmes que j'aime, mais "ça" : des fentes, des trous, des chattes, des poils ? Comment être un homme, un vrai, sans aimer ça ?
Le mieux c'est qu'il y en a, des femmes qui aiment ça, "elles aiment toutes ça", n'est-ce pas, et s'en cachent et s'en vantent à la fois : est-ce "ça" devrait alors être réservé aux hommes ? ça leur est réservé d'ailleurs, eux qui ne pensent qu'à ça. Et je le reconnais : je les aime, celles qui aiment ça, je les préfère et les recherche. Quand j'aime suivre des yeux - et des pensées - les cuisses qui passent en ondulant, j'aime croire que leur propiétaire aime ça, puisqu'elle se promène presque nue.
C'est un cercle infernal : homme, j'aime les femmes; je ne les aime donc pas, puisque c'est "ça" que j'aime; et si je n'aime pas "ça" suis-je encore un homme ? Est-ce que les hommes savent vivre, sauront un jour vivre avec, à côté des femmes, et les désirer sans les lapider ?
Je ne sais pas combien d'hommes savent vivre. Je sais que ceux qui tuent les femmes sont des hommes morts. Je ne sais pas si je suis vivant ou mort. Je ne sais pas si je suis un vrai homme.

Publié dans Hommes femmes

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